De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

mardi, novembre 26, 2002

De la guerre et des hommes

A l'occasion des cérémonies du 11 novembre, j'ai vu et entendu à la télévision l' interview du Général Maurice Bourgeois, vétéran de la guerre de 14-18.
Cet homme, âgé de 106 ans, m'a étonné par l'excellence de sa forme physique mais plus encore par sa vigueur intellectuelle et sa grande générosité d'esprit. Entre autres propos, il a déclaré ceci: "Les guerres, il y a ceux qui les déclarent et ceux qui les subissent". La formule est lapidaire, certes, mais néanmoins riche de sens. Par cette distinction entre ceux qui disposent du pouvoir de décider et ceux qui subissent les conséquences de ces décisions, il exprime une vive sensibilité aux souffrances qu'entraîne toute guerre. Du même coup, il dénonce la cruelle irresponsabilité de certains décideurs et affirme implicitement qu'il existe d'autres voies pour résoudre les conflits.
Curieusement, ces propos m'ont remis en mémoire un roman que j'avais étudié, voici près de 50 ans, alors que, jeune étudiant, je préparais ma licence d'anglais.Ce roman, paru en 1930, a pour titre"The memoirs of an infantry officer". Il est l'oeuvre du poète et romancier anglais Siegfried Sassoon, auteur que je n'ai guère fréquenté depuis ce temps. Etrange chose que la mémoire!
Dans cette oeuvre, Sassoon dénonce l'inutile carnage que fut la guerre de 14-18 mais s'attache surtout à élaborer et illustrer, au fil des pages, une théorie sur la guerre qui procède du même constat que celui du général Bourgeois, à savoir cette distinction entre décideurs et victimes.
Pour le romancier, les guerres ont pour origine des conflits d'intérêt opposant les puissants de ce monde, conflits qui, le plus souvent, ne concernent en rien les populations qui subissent les dites guerres. Mais, par une active propagande et avec le renfort de politiciens à leur solde, ces puissants personnages maquillant les choses aux couleurs d'un patriotisme mensonger, gagnent à leur cause des populations qu'ils invitent à s'entre-tuer, alors qu'eux-mêmes prennent grand soin de se tenir à l'abri de tout danger.
Je ne sais pas si le Général Bourgeois souscrirait à cette théorie mais, pour moi, les propos du Général et la théorie de l'écrivain se font écho dans ma mémoire.
Par souci d'objectivité, il me faut dire que les propos de Maurice Bourgeois et la théorie développée par Sasoon ne me paraîssent pas applicables à toutes les guerres. Il est des guerres justes, expressives de l'intérêt général, qu'il faut livrer. Il est indéniable, par exemple, que seul un conflit armé pouvait mettre en echec les ambitions totalitaires d'un personnage comme Hitler.
Par contre, il me semble non moins indéniable que les propos du général et la théorie de l'écrivain comportent une large part de vérité. Ils peuvent permettre d'expliquer, dans une large mesure, bon nombre d'actuels conflits. A l'heure où pèsent de par le monde de nouvelles et graves menaces de guerre, puissent de nombreuses voix s'élever, à leur exemple, pour repousser des conflits qui pourraient plus utilement se dénouer par d'autres voies que la guerre.
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