De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

lundi, mai 11, 2009

Parlons de démocratie


Parlons de démocratie
De nombreux hommes politiques, syndicalistes, observateurs de la vie politique, la plupart à gauche mais aussi, bien que plus rarement, certains à droite, s'accordent à penser que la démocratie a subi de sérieux reculs, sous l'actuel pouvoir
La démocratie est une entité complexe qui s'exprime et s'incarne sous de nombreuses formes.
Je me bornerai donc, dans le cadre de cet article trop court pour traiter de la démocratie dans son ensemble, à examiner quelques éléments qui justifient amplement de telles craintes, à rappeler aussi que certaines atteintes à la démocratie peuvent échapper à l'attention parce qu'elles se présentent sous des formes insidieuses et masquées..
Tout d’abord, le pluralisme de l’information n’est guère respecté.Le Président de la république s’exprime d’abondance à la télévision. Ses ministres, ses plus proches collaborateurs, y font de multiples apparitions. Par contre, la télévision ne fait pas, à beaucoup près, le même accueil à l’opposition. Les syndicats, les partis de gauche s’y expriment, certes, mais le temps de parole qui leur est concédé est chichement mesuré.
De plus, la presse, majoritairement aux mains des grands possédants, réserve ses faveurs aux zélateurs du régime même si quelques opposants peuvent, mais à faible dose, s’y faire entendre.
Le comportement des radios est plus diversifié, mais dans l'ensemble, elles font bonne mesure à la propagande officielle.
Le pluralisme de l’information, source essentielle d’une vraie démocratie, a été si malmenée sous la gouvernance libérale de l’actuel régime que le Conseil d’État, il est vrai sous la pression de l’opposition, a cru bon d’apporter quelque correction à cet état de fait.
Le Conseil d’État a ordonné que le Conseil supérieur de l’audio visuel (CSA) décompte le temps de parole du Président de la République et de ses collaborateurs dès lors que leurs propos pourront être interprétés comme des interventions en faveur des partis de la majorité.
La portée de cette décision est difficile à apprécier. D’une part, la mesure ne vaudra, pour l’heure, qu’en période électorale, le CSA devant élaborer après les élections européennes, des règles plus précises à valoir en périodes non électorales. D’autre part, la mesure déjà prise fait place à une interprétation dont on souhaite qu’elle soit loyale.
Telle quelle, la décision du Conseil d’État n’en constitue pas moins une avancée démocratique qu’il serait malvenu de bouder mais à propos de laquelle il importe d'être plus que jamais vigilant si l'on veut que ces mesures aient une réelle portée.
Gardons, en tout cas, à l’esprit que la démocratie ne s’arrête pas au seul domaine de l’information mais qu’elle doit s’étendre, ce qui n’a guère été le cas sous l’actuel pouvoir, à d’autres domaines, en particulier celui de nos institutions politiques et celui de l’économie.La manière dont l’actuel pouvoir a effacé le revers qu’il avait subi lors du référendum sur le projet constitutionnel européen apporte, d’éclatante façon, la preuve que ce pouvoir n’hésite pas à transgresser les règles d’une véritable conduite démocratique. Ce projet d’inspiration ultra libérale ayant été rejeté par le peuple, on a fait adopter par voie parlementaire une mouture jumelle de ce projet tout autant ultra libérale.
Prenant acte de ce mépris du peuple, c’est à raison que beaucoup de commentateurs politiques ont dénoncé pareille manoeuvre comme un déni de démocratie.
Quant à la démocratie dans le secteur économique, dans nos grandes entreprises en particulier, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’est guère vivante.Les syndicats, dans les conseils d’administration, n’ont, en effet, pas grand pouvoir.
Aussi bien, le grand patronat peut-il, à son gré, délocaliser des entreprises qui pourtant réalisent des bénéfices, afin de dilater ses profits en surexploitant ailleurs des travailleurs privés de tous droits.Aussi bien, peut-il durcir les conditions de travail et contenir les salaires de nos propres travailleurs ou encore octroyer à des dirigeants et actionnaires de haut vol d’énormes prébendes sous la forme de stock-options, primes ou autres bonus.
Ce sont là des modes de fonctionnement qui font survivre la conception d’un patronat disposant d'un pouvoir quasiment absolu, conception à la fois anti démocratique et totalement inadaptée à notre époque.
Il est grand temps d’apporter des changements dans ces pratiques et de confier aux travailleurs et à leurs syndicats de nouveaux pouvoirs. Ces derniers doivent, dans le cadre d’une démocratie économique bien comprise, pouvoir accéder à la comptabilité des grandes entreprises, vérifier en particulier qu'elle ne soit pas maquillée, et intervenir, aussi, dans la définition des stratégies économiques à conduire. La gestion d’une grande entreprise ne doit plus être la seule affaire d’une poignée de dirigeants guidés par la seule recherche d’un profit maximal.
Ceci étant dit, on pourra objecter que la démocratie ne se porte pas si mal, que l'on peut exprimer, sans risque, de vives critiques à l'encontre du pouvoir en place.
Cela peut paraître, dans l'ensemble, assez vrai mais c'est oublier que pour qu'une démocratie soit vivante, il ne suffit pas de pouvoir s'exprimer, il faut aussi échapper à une expression confidentielle, pouvoir être entendu, atteindre un large public, condition, pour l'heure, assurément non remplie.
C'est là une donnée qu'il faut souligner et que j'entends prolonger en empruntant au grand linguiste Chomsky un argumentaire qu'il a souvent brillamment et clairement exposé:
À savoir qu'il n'est nul besoin de verser dans la dictature pour perpétuer un régime contraire aux intérêts du monde du travail, tout entier attaché à la sauvegarde des privilèges des puissants. Il suffit, non pas de néantiser la démocratie, mais de l'étioler, d'assourdir la voix de l'opposition ou de la déconsidérer en développant dans le même temps une surabondante propagande manipulatrice en faveur du pouvoir en place.
En conditionnant les esprits, tout en maintenant une apparence de démocratie, on peut alors obtenir, pour reprendre les formules mêmes de Chomsky, le consentement de nombreux citoyens à leur propre spoliation.
C’est pourquoi les forces progressistes de notre pays doivent accorder à cette question de la démocratie une place essentielle dans leur élaboration d’une plateforme capable de faire émerger un nouvel ordre politique, économique et social marquant une vraie rupture avec un capitalisme dont la faillite est désormais avérée. 
Il deviendra alors possible de bâtir, au fil du temps, une société plus juste, plus solidaire, plus attentive aux aspirations du peuple dont la voix sera enfin pleinement entendue, plus soucieuse aussi des urgences de notre temps dont celle de l’écologie, pour tout dire, une société à la fois plus humaine, plus heureuse et plus citoyenne.