De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

lundi, janvier 19, 2004

Attention:Danger!

Attention danger:Le projet de loi de mobilisation pour l'emploi

Le gouvernement a dans ses cartons un projet de loi, dite loi de mobilisation pour l'emploi, qui vise à modifier l'actuelle législation du travail afin, nous dit-on, d'adapter le Code du Travail aux évolutions de l'économie et par là de favoriser l'emploi.

Cette nouvelle loi s'appuiera sur les rapports Virville et Marimbert qui viennent d'être remis au Ministre du Travail François Fillon.
Ces rapports, entre autres choses, présentent deux propositions essentielles.
Le rapport Virville preconise la création d'un contrat de projet encore appelé contrat de mission applicable aux cadres des entreprises, aux termes duquel ces cadres seraient embauchés pour une durée déterminée qui prendrait fin avec l'achèvement des missions qui leur auraient été confiées à la signature du contrat.
Le rapport Mirembert propose, quant à lui, la création de Conseils d'entreprise dans les entreprises de moins de 250 salariés, les membres de ces Conseils étant élus par les salariés hors de toute représentativité syndicale.
Sitôt connues, ces dispositions ont soulevé une vive et unanime opposition dans les rangs des syndicats et des partis de gauche. De fait, elles sont alarmantes et comportent, à l'évidence, de graves dangers pour le monde du travail.

Ces contrats de mission, fussent-t-ils encadrés par quelques règles, énoncées de facon assez floue dans le rapport Virville, se présentent, en effet, comme des super CDD (contrats à durée déterminée dont les patrons font d'ailleurs un emploi abusif). Le patronat pourra, à loisir, substituer cette nouvelle formule aux CDI (contrats à durée indéterminée).

Le sort des salariés en sera profondément modifié
. La flexibilité de l'emploi sera portée à son terme ultime. Le salarié deviendra un objet parfaitement jetable après usage. Il cessera d'être un acteur dans l'entreprise. Il deviendra un simple outil, voire un simple matériau comme les métaux, l'eau ou les produits chimiques qu'emploient les entreprises.
Ces contrats de mission n'aggraveront pas seulement la précarité existante. Ils ne légaliseront pas seulement la précarité, ils la légitimeront, la stabilité de l'emploi étant récusée comme une donnée du passé, la précarité devenant, au nom de la modernité, une norme incontournable.

La création de Conseils d'entreprise présentée dans le rapport Marimbert n'est pas moins dangereuse. Cette disposition vise, à l'évidence, à affaiblir la présence syndicale dans les entreprises de moins de 250 salariés, voire à préparer purement et simplement son éviction.
Les membres de ces conseils d'entreprise seraient, certes, élus par les salariés mais ils ne pourraient se réclamer d'aucune appartenance syndicale. Il est facile de comprendre que dans beaucoup de cas ils ne manqueraient pas d'être sous influence patronale.

Ces deux propositions issues des rapports Virville et Marimbert sont d'autant plus nocives que le Medef a fait savoir, par la voix de son Président, que celles-ci allaient dans le bon sens, mais qu'il exigeait que le contrat de mission soit étendu à toutes les catégories de personnels et que les mesures d'encadrement de ce contrat de mission soient annulées.
"Nom de dieu, faisons confiance à l'entreprise" s'est écrié Antoine Selliere.
Autrement dit, ce que veut le Medef, c'est un chèque en blanc, c'est le droit de gérer l'entreprise à sa guise, hors de toute réglementation.

Si ces contrats de mission et ces conseils d'entreprises voyaient le jour, ils parachèveraient l'oeuvre de démolition du Code du Travail entreprise par l'actuel gouvernement. Le code du travail serait alors vidé ou presque de son contenu. Les salariés, déssaisis de la plupart de leurs droits, privés face au patronat de toute protection véritable, seraient donc corvéabilisables à merci.

L'adoption dans le cadre de la loi des deux propositions que nous venons d'analyser, s'ajoutant aux dispositions existantes, conduirait assurément à un profond asservissement du monde du travail mais, pour autant, ne permettrait, en aucune manière, de répondre aux évolutions de notre économie ou au développement de l'emploi.
Il est ,certes, vrai que les besoins d'un certain nombre d'entreprises ne sont pas constants, qu'ils varient d'une période à l'autre. Il est non moins vrai que la réglementation existante permet de procéder à des licenciements en conséquence. Il n'était donc nullement besoin de créer une nouvelle loi pour traiter le problème.
Par ailleurs, la nouvelle loi que l'on prépare sur la base des rapports Virville et Mirambert, ne sera pas, contrairement aux affirmations de l'actuel gouvernement, en mesure de stimuler notre économie et de réduire le chômage.
Pour atteindre de tels objectifs, d'autres solutions existent:
- répartir les bénéfices dégagés par les entreprises de façon plus équitable, ne plus vouer le monde du travail, en la matière, à la portion congrue, bref, augmenter le pouvoir d'achat des salariés.
- revoir le problème des retraites, faire une plus large place aux solutions avancées par les syndicats afin de ne pas amputer le montant des retraites.
-modifier la fiscalité, la rendre moins clémente à l'égard des classes dorées de façon à doter les services publics des moyens en personnels et en équipements dont ils ont besoin.
- interdire les délocalisations qui n'ont d'autre but que de grossir les gains du patronat par la surexploitation des travailleurs partout où la protection du monde du travail est quasi inexistante.
Enfin, la stimulation de notre économie ne passe certainement pas par l'asservissement du monde du travail. On nous présente des dispositions comme celles que nous venons d'analyser comme des avancées modernes incontournables. En fait, elles ne sont nullement innovantes. Elles engagent, au contraire, un retour vers une conception négrière de l'entreprise, celle que prônait la vieille théorie du "Laisser faire", préfiguration de nos actuelles orientations libérales, qui sévissait au 18ème siècle en Angleterre, puis au 19ème siècle en Europe au temps de la révolution industrielle.
Ce qui contribuerait, par contre, à stimuler notre économie, c'est une toute autre conception de l'entreprise, celle-ci résolument moderne.
Dans une telle entreprise, le patronat ne disposerait plus de pouvoirs aussi larges. Les salariés seraient considérés comme de véritables partenaires.Ils seraient associés à la marche de l'entreprise. Ils auraient connaissance de sa comptabilité, seraient partie prenante dans la définition de ses stratégies.
Est-ce trop demander?
A en juger par les propositions qu'avancent les rapports Virville et Mirambert, les déclarations de l'actuel gouvernement, celles du Medef, assurément oui, c'est trop demander.
Aussi, sans abandonner les voies de la négociation, n'est-il d'autre issue que la lutte.
A l'avance, soyons persuadés que celle-ci devra être conduite patiemment, avec persévérance, longuement. Menée démocratiquement, il s'agira de gagner le plus grand nombre de nos compatriotes à l' idée que les orientations libérales devront être abandonnées, que d'autres solutions peuvent leur être substituées pour l'édification d'une société plus juste, plus fraternelle, plus respectueuse de toutes ses composantes, socialement plus rassemblée et donc moins exposée aux risques de la violence.
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