De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

dimanche, décembre 15, 2002


Dialectique (1) et veaux de lait
J'avais souligné que l'ambitieux projet de décentralisation de l'actuel gouvernement et son adhésion résolue à l'Union Européenne, construction centralisatrice par nature, représentaient deux approches, sinon antinomiques, du moins fortement contradictoires et, de ce fait, difficilement conciliables.
Je reste convaincu que cette contradiction ne manquera pas d'entraîner bien des difficultés. Une actualité récente, bien que d'importance relative, nous en administre la preuve avec un certain éclat.
L'union Européenne vient, en effet, d'interdire la pratique d'un type d'élevage connu sous l'appellation "Veau sous la mère", consistant à équiper les veaux d'une muselière pour les empêcher de broûter de l'herbe, ces animaux étant alors exclusivement nourris au lait maternel.Ce type d'élevage peu répandu à l'échelon européen est pratiqué en France dans un nombre restreint de régions, notamment en Limousin.Il résulte d'initiatives et de savoirs locaux et procède donc d'une démarche eminemment décentralisée. Pour autant, il risque de disparaître en raison de l'interdiction prononcée par une instance centrale peu au fait de cette pratique et peu concernée par les dommages que cette interdiction entraînerait.
Ce conflit, pour mineur qu'il puisse paraître, illustre bien les difficultés qui résultent de la coexistence entre des forces de nature contraire.
Certes, je conçois que les initiatives locales doivent se conformer à des règles édictées par des instances centrales au nom de l'intérêt général. Il est juste, en effet, que les nations ou l'Europe soient les gardiennes de valeurs incontestables comme le respect de la démocratie, de la protection de la nature ou des droits de l'homme.
Mais le problème est précisément de savoir si les décisions prises par une instance centrale sont bien prononcées au nom de ces valeurs incontestables ou au contraire si elles répondent à des objectifs moins avouables. Le problème est également de savoir si les initiatives locales contreviennent ou non à ces mêmes valeurs. Ces distinctions ne sont pas toujours patentes.
En l'occurrence, l'argument avancé par l'Union Européenne pour interdire l'élevage des veaux sous la mère, pratique qu'elle juge maltraitante, me semble quelque peu spécieux. Les contraintes imposées à ces animaux sont sans doute plus supportables que celles que subissent les animaux élevés en batterie ou que les tortures infligées aux animaux servant de cobayes dans les laboratoires.
On voit donc qu'il n'est pas facile de gérer cette dialectique opposant des forces contraires, d'opérer entre elles des dosages équilibrés, d'accorder à chacune d'elles de justes parts. La sagesse voudrait qu'en ce domaine on ne brusque pas les choses, qu'on avance, en fonction des situations existantes, à petits pas, qu'on sache même effectuer, si besoin en est, des retours en arrière.
Le monde politique, à quelque échelon que ce soit, saura-t-il faire preuve de cette nécessaire sagesse? A voir la précipitation avec laquelle certains veulent mettre en oeuvre le projet gouvernemental de décentralisation, à voir également le peu de prix que d'autres semblent accorder aux prérogatives nationales, on peut en douter! Il est à craindre, en effet, que l'affaire du veau de lait ne soit suivie de beaucoup d'autres.
(1) La dialectique est à la fois l'art de raisonner et la science du mouvement résultant de l'opposition entre des forces contraires.
J'ai consacré dans mon site perso une page à cette question des rapports entre centralisme et décentralisation. Si vous souhaitez vous y reporter, cliquez sur le lien ci-dessous.
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