De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

vendredi, octobre 12, 2007

L'ère Sarkozienne ...vers quelles suites?

L'ère sarkozienne

Les élections présidentielles ont consacré la victoire de Nicolas Sarkozy, le candidat de la droite, victoire incontestablement nette, sans que sa rivale, la socialiste Ségolène Royale, n'ait subi, pour autant, de véritable déroute. Le score de cette dernière à hauteur de 47% des suffrages ne peut, assurément, être tenu pour négligeable.
Dès son investiture, Nicolas Sarkozy a formé un gouvernement qu'il a présenté comme un gouvernement d'ouverture. Il a, à cet effet, obtenu le ralliement de plusieurs personnalités de la défunte UDF mais aussi et surtout le ralliement de plusieurs personnalités membres du parti socialiste. Un tel gouvernement semblerait donc, à première vue, revêtir une forme assez consensuelle.
En outre, l'opinion publique baignant encore dans l'état de grâce dont bénéficie tout Président de la République nouvellement élu, lui est majoritairement favorable.
Le Président de la République et son gouvernement, disposant de pouvoirs quasi absolus, peuvent donc à leur guise et au pas de charge, comme semble le souhaiter Nicolas Sarkozy, mettre en oeuvre leur projet politique.

Pour autant et à rebours sans doute de beaucoup d'observateurs politiques, je tiens pour vraisemblable que l'actuel pouvoir n'est pas aussi solide que l'on pourrait le croire et que son avenir n'est pas aussi assuré que tout semble pourtant l'indiquer.

A y regarder de plus près, le pouvoir que détient le Président de la république repose sur une bonne dose d'illusions et de malentendus.
Remarquons, tout d'abord, que le projet Sarkozien, présenté comme un projet de rupture, n'a pas été conçu par des hommes politiques nouveaux mais par un homme et une équipe qui précédemment détenaient le pouvoir. Il n'est donc pas illogique de subodorer, à tout le moins et sans plus ample analyse, que cette formule n'est sans doute pas la meilleure pour conduire des politiques nouvelles en rupture avec celles précédemment menées.

Tout le talent de Nicholas Sarkozy a consisté à faire oublier cela, à faire oublier du même coup le caractère continûment droitier de la politique dont il a énoncé les grandes lignes au cours de sa campagne électorale.
Non sans habilité, il a obtenu le ralliement d'un certain nombre de personnalités du centre ou de la gauche. Ces derniers, abandonnant leurs convictions, se désolidarisant de leur parti en échange d'un portefeuille ministériel ou d'un poste de haut rang, ont ainsi permis au Président de la République de masquer le caractère très droitier de son programme, et de lui affecter par la même occasion une coloration un peu gauchiste.
Mais, à la vérité, ce n'est là qu'un vernis trompeur. Le ralliement de quelques transfuges ne saurait constituer une véritable ouverture.
Je ne nie, certes pas, à quiconque le droit d'évoluer, voire même de changer radicalement d'opinion. Mais je ne crois pas aux conversions soudaines surtout lorsqu'elles revêtent la forme de changements caméléonesques survenant au soleil de flatteuses et brillantes récompenses.
De plus, avec une même habilité et le renfort de médias à sa dévotion, Nicolas Sarkozy s'est composé un personnage quasi mythique, celui d'un homme ouvert à tous les problèmes, soucieux de l'intérêt général, porteur d'innombrables lumières, docte en toute chose, capable par le déploiement d'une énergie surhumaine de dénouer tous les problèmes.
Beaucoup, prêtant plus d'attention à cette épique personnage, artificiellement construit, plutôt qu'au programme de l'homme politique, se sont laissés séduire pour ne pas dire envoûter par de tels attraits.


Mais les réalités sont tenaces. On ne peut les masquer trop longtemps.

On s'apercevra selon une échéance qui dépendra de la capacité de la gauche et des syndicats à éclairer l'opinion, qu'en fait de rupture, le gouvernement sous la vigilante autorité du Chef de l'Etat, conduit une politique plus droitière que jamais.

Les premières mesures que l'actuel gouvernement a prises en témoignent de la façon la plus claire:

La défiscalisation des heures supplémentaires, de l'avis même de la plupart des économistes, ne stimulera guère la croissance, ne profitera, en fait, qu'à un nombre très limité de travailleurs mais permettra surtout au patronat de recevoir un substantiel cadeau fiscal.
La réduction des droits de succession ouvrant sans doute la voie à l'abolition pure et simple de ceux-ci sera vivement appréciée par les possesseurs de châteaux en Sologne ou les propriétaires d'hôtels particuliers dans quelques villes de prestige mais les classes moyennes n'en tireront pas grand profit, les successions étant déjà, pour 80% d'entre elles, exonérées.
La casse des services publics qu'illustre la réduction drastique du nombre des fonctionnaires permettra, aux dépens des usagers, d'ouvrir des créneaux juteux aux appétits des grosses entreprises privées.
Le projet d'abandon de l'ISF ne manquera pas d'être applaudi par les classes dorées mais, encore une fois, les classes moyennes ne seront guère concernées.
Que dire, enfin, du sort des plus démunis au nombre desquels se comptent beaucoup de travailleurs faiblement rémunérés?
Nicolas Sarkozy a invité à la garden party du 14 juillet, pour reprendre ses propres termes des "victimes de la vie".
Pourquoi pas? Mais on aimerait que cette compassion reçoive une traduction concrète. Or, pour l'heure, cela ne semble pas être le cas. Il suffit, pour s'en convaincre, de noter ces seuls chiffres: 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux ont été généreusement octroyés, sous les applaudissements du Medef, aux classes les plus fortunées mais, par contre, 25 millions d'euros seulement seront consacrés à la mise en place du RSA (Revenu de solidarité active) dont bénéficieront les Rmistes s'ils parviennent, toutefois, à trouver un emploi.
La mise en place de franchises médicales, s'ajoutant au déremboursement de médicaments toujours plus nombreux et à la pratique des dépassements d'honoraires par la quasi totalité des médecins spécialistes, accentuera le caractère déjà très inégalitaire de notre système de santé.
De plus, l'instauration prochaine d'une TVA improprement appelée TVA sociale ne manquera pas de grever lourdement les budgets les plus modestes.

Il est aussi deux problèmes présentant un caractère d'urgence que le gouvernement se targue, à tort, de régler le problème écologique et le problème de l'immigration.
La propagande officielle tient à leur sujet des discours prometteurs mais on attend toujours des solutions concrètes propres à amorcer de réelles améliorations. En fait, les mesures à prendre, à cet effet, ne peuvent guère être prises dans un cadre libéral.
La promotion d'énergies durables, devant se substituer au pétrole et au nucléaire, présuppose le dégagement d'importantes ressources budgétaires qui ne peuvent être obtenues que par une large contribution des classes favorisées et des grandes firmes capitalistes que l'actuel pouvoir, souscrivant pleinement aux thèses libérales, ne peut, sauf à perdre sa nature, leur imposer.
Le problème de l'immigration, résultant essentiellement de la pauvreté, ne saurait être valablement traité par la voie répressive pas plus que par l'immigration choisie chère à Nicolas Sarkozy qui n'aurait d'autre effet que de priver les pays concernés des éléments dont ils ont le plus besoin. L'éradication de la pauvreté partout où elle sévit représente la seule vraie solution. Les pays riches dont la France se doivent de dégager les ressources nécessaires à la promotion d'une grande politique de co-développement entreprise, à l'échelle internationale, en concertation avec les pays concernés mais là encore le libéralisme économique empêchera une telle politique d'avoir toute l'ampleur souhaitable.Ces deux problème risquent donc de perdurer peut-être même sous une forme aggravée ou, dans la meilleure des hypothèses, de ne recevoir que de maigres améliorations.

Au total, cette politique droitière, plus soucieuse de conforter les privilèges du capital que de relever le pouvoir d'achat des travailleurs, ne peut déboucher que sur une croissance en berne, un chômage persistant que le recours à de nouvelles formes d'évaluation tente de minorer, un appauvrissement plus ou moins généralisé des classes moyennes parmi lesquelles de nombreux retraités, un sort toujours plus dur pour les plus démunis, de nouveaux reculs pour le monde du travail, une dette publique toujours plus béante, et des problèmes, en matière d'écologie et d'immigration, laissés sans grande solution.
Aussi bien, à l'épreuve du temps et de telles réalités, les illusions se dissiperont. La vérité poindra puis s'affirmera. Le masque tombera et révèlera le vrai visage de l'actuel pouvoir. L'appareil publicitaire du pouvoir se grippera, la politique de l'esbrouffe aura vécu et l'heure du désenchantement ne manquera pas de sonner.
Il appartiendra alors à la gauche de saisir sa chance et de se hisser à la hauteur de ses devoirs.


Les réflexions personnelles énoncées ci-dessous sur les conditions qui me paraîssent devoir être réunies pour permettre à la gauche d'engager la reconquête du pouvoir ne visent pas à l'originalité. Elles sont l'expression d'une longue observation politique et je les sais partagées par nombre de nos concitoyens. Je ne revendique pour elles que l'humble mérite de la sincérité.

Remarquons, tout d'abord, que la gauche française n'est pas homogène. Elle se partage en deux grands courants.
Il existe une gauche anti-libérale qui refuse la loi du marché, qui considère que l'économie ne doit pas être livrée au seul jeu de la libre concurrence mais qu'elle doit être régulée par l'intervention de l'Etat. Elle porte l'exigence d'une correction du mode de répartition des richesses produites. Pour elle, on ne doit plus permettre au capital de s'octroyer une part royale de ces richesses pour n'en laisser au monde du travail qu'une portion très congrue.
Cette gauche est représentée par de petits partis politiques comme la LCR, Lutte Ouvrière, le parti des travailleurs ainsi que par le PCF qui reste un parti qui compte mais dont l'audience s'est singulièrement rétrécie. Des mouvements tels Attac ou la Confédération Paysanne de José Bové grossissent les rangs de cette gauche. Lui appartiennent également des membres du parti socialiste ou des verts ayant appelé à voter contre le Projet constitutionnel européen, sans pour autant rompre avec leur parti.
L'autre gauche, de caractère social-démocrate ou social-libéral est essentiellement représentée par le parti socialiste et les radicaux de gauche, ces derniers n'ayant pas une grande audience. Cette gauche ne condamne pas sans réserve le libéralisme. Elle entend seulement en corriger les excès. Elle a souvent donné l'impression de s'accommoder des privilèges du capital et de ne pas défendre les intérêts du monde du travail avec assez de conviction.

La reconquête du pouvoir qui en démocratie n'est rien d'autre que la reconquête de l'opinion publique, par une gauche ainsi composée, ne peut aboutir, me semble-t-il que si elle répond à un certain nombre d'exigences que j'ai tenté de discerner dans les paragraphes qui suivent.

La gauche anti-libérale, à l'occasion de l'élection présidentielle, a déçu les espoirs qu'elle avait fait naître. Elle s'est montrée incapable de s'unir. La LCR de même que Lutte Ouvrière, d'entrée, se sont désolidarisées des collectifs anti-libéraux. Ces derniers se sont ensuite montrés incapables de désigner un candidat pour les représenter à l'élection présidentielle. Bien que tenant des discours très voisins, les différentes composantes de la gauche anti-libérale se sont abandonnées, par esprit de chapelle, à de fâcheux replis identitaires et sont allées à la bataille électorale en ordre dispersé. Cette gauche anti-libérale doit comprendre, ses chefs de file en premier, qu'elle ne peut peser sur l'échiquier politique, avoir une réelle consistance, que si elle entreprend de s'unir à défaut de s'unifier. Sinon, elle restera une force anecdotique et condamnera la vie politique française à un bipartisme de type anglo-saxon: UMP et Parti socialiste alternant au pouvoir et représentant deux variantes d'un même courant politique, à savoir le libéralisme, sous une forme plus radicale avec l'UMP, sous une forme socialement quelque peu corrigée avec le parti socialiste. Mais, au total, on ne pourra guère s'attendre à des changements décisifs et le règne du capital ne sera guère menacé.
De plus, dans un tel contexte pourrait se dessiner une évolution très dangereuse. Ces deux variantes pourraient s'unir , sous l'impulsion de ceux qui prônent le dépassement des clivages gauche-droite présentés comme surannés, le ciment d'une telle union étant une commune adhésion au dogme du libéralisme. C'est sans doute là le rêve que nourrissent, chacun à leur manière, des hommes comme Nicolas Sarkozy et François Bayrou
Si cette formule devait se réaliser, le monde du travail serait durablement sous la férule d'un régime prétendument consensuel, en fait résolument droitier qui lui infligerait de redoutables reculs.
Il importe donc que la gauche anti-libérale, de préférence d'une même voix, dénonce la duplicité de ces discours négationnistes et trompeusement oecuméniques qui nient les profondes et irréductibles différences qui séparent la gauche et la droite.
Si la gauche anti-libérale sait s'unir, l'hypothèse de son unification pourrait même se poser. L'émergence d'un mouvement anti-libéral structuré et non pas invertébré à l'image des comités anti-libéraux, voire d'un parti anti-libéral pourrait être envisagée. Encore faudrait-il, pour ce faire, que certaines conditions soient remplies dont, à mes yeux, celles-ci:
-La création de ce mouvement ou de ce parti ne doit pas être décrétée unilatéralement par l'une ou l'autre des composantes des forces anti-libérales mais, par voie de concertation, par l'ensemble de ces forces.
-Ce mouvement ou ce parti pour être viables doivent reposer sur une union fortement nouée. C'est pourquoi, avant même que leur création ne soit décidée, cette union devra préalablement se cimenter, au fil du temps, par le rassemblement des forces anti-libérales dans les luttes qu'il faudra entreprendre pour repousser les coups que l'actuel pouvoir ne manquera pas de porter au monde du travail, à l'occasion aussi de certaines échéances électorales dont les prochaines municipales de 2008.
Pour ma part, j'incline à penser que la création d'un mouvement anti-libéral structuré est sans doute envisageable dans un avenir pas très lointain avec de réelles perspectives de viabilité mais je crains que celle d'un parti anti-libéral, non précédé de la création de ce mouvement et trop précocement créé ne soit voué à l'échec.
Quoi qu'il en soit, c'est par l'union de ses différentes composantes que les forces anti-libérales pourront apporter une utile contribution à la reconquête du pouvoir par la gauche.
Quant au parti socialiste qui représente essentiellement l'autre gauche, c'est, me semble-t-il, en évoluant qu'il peut apporter la meilleure contribution à cette reconquête du pouvoir. Il faudrait qu'il cesse d'être ambigu, qu'il s'ancre, comme le souhaitent nombre de ses militants, plus fermement à gauche, qu'il rompe avec certaines pratiques d'accompagnement du système capitaliste, faute de quoi il s'exposerait à un risque d'éclatement. Certains de ses membres pourraient rejoindre la gauche anti-libérale, et d'autres s'associer au mouvement centriste ou même, à l'instar des transfuges débauchés par Nicolas Sarkozy, s'accommoder d'orientations franchement droitières. D'une manière ou d'une autre, le parti socialiste serait alors débilité pour ne pas dire phagocyté.
Il reviendrait alors à la gauche anti-libérale d'incarner seule la vraie gauche mais sa capacité à devenir majoritaire resterait bien lointaine.
Au contraire, si ces deux gauches savent évoluer positivement, l'une en cessant de se disperser, l'autre en s'ancrant plus authentiquement à gauche, elles pourront se rendre compatibles l'une à l'autre et s'ouvrir, dans un avenir plus proche, la route du pouvoir qui, en démocratie, passe à juste titre par la conquête de l'opinion publique.

Reste le rôle que peut jouer le syndicalisme.
Il n'est pas niable que le syndicalisme français est faible et divisé mais tel quel il peut apporter une contribution à la reconquête du pouvoir par la gauche. Il se doit non seulement d'entreprendre des luttes pour repousser les coups que porte l'actuel pouvoir au monde du travail mais il se doit aussi et non moins utilement d'éclairer l'opinion publique sur la vraie nature de ce pouvoir,, montrer que ce dernier accable le monde du travail et réserve ses faveurs au capitalisme. Ce faisant, le syndicalisme français ne quitterait pas le champ de ses compétences, ne se départirait pas de son indépendance et ne pourrait encourir le reproche de se politiser. Il assumerait, au contraire, pleinement le premier de ses devoirs qui est de protéger le monde du travail quel que soit le régime politique en place. Il va de soi qu'il lui appartiendrait de combattre semblablement tout régime de gauche qui, contre nature, porterait atteinte aux intérêts du monde du travail.

Au terme de cette petite étude sur l'ère Sarkozienne, tout me porte à croire que, le désenchantement survenant, le pourvoir Sarkozien tombera peu ou prou en disgrace mais que, pour autant, la reconquête du pouvoir par une gauche authentique ne sera pas chose facile, allant de soi.
Les deux gauches que nous avons évoquées dans cette étude sauront-t-elles, chacune en leur proche sein, opérer les évolutions nécessaires pour se rapprocher?
L'avenir nous le dira mais je veux en garder l'espoir.
Alors pourrait être entamée une marche vers une société plus juste, plus égalitaire, plus rassemblée, moins exposée aux risques de la violence, plus ouverte aux urgentes exigences de l'écologie,tout simplement plus humaine et plus heureuse.