De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

dimanche, janvier 23, 2005

Retrouvailles

Retrouvailles
Il m'est arrivé une aventure à la fois magnifique et singulière au début de cette année 2005: j'ai retrouvé un camarade que je n'avais pas revu depuis plus de 50 ans!
Ce camarade, mon frère jumeau, un autre camarade hélas aujourd'hui disparu et moi-même formions un 4x100 mètres en athlétisme qui avait connu, il y a fort longtemps, sa petite heure de gloire. Bien que juniors, nous disputions des compétitions avec succès au plan régional dans notre catégorie et aussi dans la catégorie supérieure en seniors. Nous figurions également honorablement au plan national.
Ce quator dont les membres étaient inséparables partageaient aussi les mêmes amis, pour la plupart des sportifs, et de plus, les uns et les autres, nous fréquentions le même lycée.
C'est dire que les liens qui nous unissaient tous étaient fortement, franchement et joyeusement noués.
Mes retrouvailles avec ce camarade ont eu pour cadre son domicile à Limoges, la ville de ma jeunesse, ma ville de prédilection, où je n'habite plus mais où je séjourne encore quelque temps chaque année.
Je me suis donc rendu chez lui avec beaucoup d'espoir mais non, je l'avoue, sans une pointe d'appréhension.
Saurions nous nous retrouver, voire même nous reconnaître? Le temps ne pourrait-il pas avoir altéré nos traits et nous avoir rendus méconnaissables l'un à l'autre? Saurions nous combler ce vaste fossé de plus de 50 longues années?
Reçu fort gentiment par l'épouse de mon camarade que d'ailleurs je ne connaissais pas, nous nous sommes reconnus sans peine. Notre entrevue s'est déroulée le plus naturellement du monde sans que l'un et l'autre n'éprouvions la moindre gêne.
Nous avons évoqué nos carrières respectives, parlé de mon frère Jean, des camarades que nous avions connus, de notre bonne ville de Limoges, de notre passion commune pour l'informatique, discipline inconnue de notre jeune temps, abordé divers autres sujets et promis de nous revoir.
Bref, nous nous sommes retrouvés comme si nous n'avions jamais cessé de nous voir. D'étonnante façon, tout s'est passé comme si ce vaste fossé de 50 ans n'avait jamais existé.
Ces retrouvailles, on l'aura compris, m'ont fait grand plaisir mais, dans le même temps, l'heureuse fluidité avec laquelle elles se sont déroulées a été pour moi, de prime abord, un sujet d'étonnement qui m'a inspiré quelques réflexions que j'ai grande envie de vous livrer.
La facilité avec laquelle nous avons pu franchir ce fossé de 50 ans tient, me semble-t-il, à l'existence chez l'un et l'autre d'un patrimoine commun déposé dans l'esprit de l'un et l'autre de façon étrangement indélébile.
La raison en est que l'esprit ne fonctionne pas tout à fait comme le disque dur d'un ordinateur. Les données ne s'inscrivent pas dans la mémoire humaine de manière mécanique selon des sillons de même profondeur. Les données s'y déposent en y laissant des traces plus ou moins durables en fonction de l'intensité avec laquelle les événements auxquels ces données se rapportent ont été vécus.
La jeunesse étant l'époque où les choses sont le plus vivement, le plus passionnément ressenties, est du même coup celle où les événements s'inscrivent dans notre mémoire de la façon la plus durable, la plus fidèle.
Il m'est, d'ailleurs, facile de dénombrer quelques uns des éléments constitutifs de ce patrimoine commun que nous avons acquis, mon camarade et moi-même, au temps de notre jeunesse: nous avons partagé beaucoup de joies sportives, été associés aux mêmes amis, été attachés à la même ville, fréquenté le même lycée.
Il est un autre élément, de nature linguistique, plus subtil, qui fait aussi partie de ce vécu commun.
J'ai pu, en effet, remarquer au cours de ces retrouvailles, que nous parlions de la même façon, avec le souci d'être clair, de bien dire, le même respect de la langue française, nous gardant de céder aux modes ou tics langagiers de l'époque actuelle.
La facilité avec laquelle nous sommes retrouvés me paraît donc, à la réflexion, parfaitement explicable. Elle n'est plus pour moi un sujet d'étonnement.
On voudra bien pardonner à l'ancien professeur que je suis, un peu trop porté à tout analyser, d'avoir versé peut- être dans une exégèse quelque peu fastidieuse.
Aussi, pour conclure, ne voudrais-je retenir, avant toute chose, que l'immense et émouvant plaisir que j'ai pris à cette rencontre. J'ai connu, avec ces singulières retrouvailles, l'un de ces moments dont la vie ne nous fait que trop rarement don, un moment d'autant plus agréable qu'il était aux couleurs de l'une des valeurs les plus précieuses, celles de l'amitié.
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