De tout et de rien

Voici quelques notes personnelles en réaction à l'actualité et à certains événements de ma propre vie.

dimanche, décembre 05, 2004

Le référendum socialiste

Le référendum socialiste: Victoire éclatante ou Victoire fragile ?
Les résultats du référendum socialiste sur le projet de constitution européenne viennent d'être proclamés. Les militants socialistes en faveur du oui l'emportent avec près de 60% des suffrages.
Leur victoire est donc nette et incontestable.
Pour autant, la réaction des médias, celle de la droite favorable au oui, celle de certains socialistes me paraissent abusivement emphatiques.
En effet, ici ou là, on parle de victoire éclatante, d'un oui franc et massif. On présente François Hollande comme le patron incontestable du parti socialiste. On voit déjà en lui le candidat de la gauche aux prochaines présidentielles.
Notons au passage que cette victoire du oui est parfois célébrée avec plus d'éclat dans les rangs de la droite favorable au projet que dans ceux de la fraction socialiste favorable à ce même projet.
En tout cas, pareil enthousiasme me semble relever beaucoup plus d'une inflation langagière que d'une analyse objective des faits.
On oublie que le camp du non dont Laurent Fabius est le chef de file recueille plus de 40% des voix. Ce courant, plus ancré à gauche que le courant majoritaire ne saurait s'apparenter à un groupuscule. Il n'est pas appelé à disparaître. Plusieurs personnalités appartenant à ce camp du non ont, en effet, déclaré qu'elles s'inclinaient devant ce scrutin mais qu'elles ne renonçaient pas à leurs convictions.
On ne peut guère, en conséquence, parler de oui massif, pas plus qu'on ne peut parler d'un oui parfaitement franc.
Un nombre appréciable de militants, de leur propre aveu, ont voté oui du bout des lèvres. Le oui a, sans doute, été parfois un oui quand même, un oui malgré tout. Faisant fi de la règle de l'unanimité qui rend la constitution européenne quasiment non retouchable, une fois adoptée, ils ont pensé qu'il serait possible de tourner cette difficulté et de gommer les aspects les plus droitiers, les plus conservateurs de cette constitution .
Par ailleurs, je veux faire prompte justice de la déclaration absurde selon laquelle la victoire du oui serait une victoire de la démocratie. C'est l'organisation d'un référendum et d'un débat au parti socialiste qui représente une démarche inédite, une avancée démocratique, mais en aucune façon le résultat de ce scrutin.

Tout ceci m'incline à penser que cette victoire du oui ne mérite pas semblables dithyrambes. Je voudrais, au contraire, affirmer ici qu'elle me paraît, à long terme, fragile et qu'elle pourrait fort bien être remise en cause.
Cette hypothèse, bien entendu, n'est pas réalisable dans l'immédiat. Le projet venant de recevoir la caution d'une partie de la gauche s'en trouve légitimé. Beaucoup d'électeurs ne liront pas ce projet et s'en remettront au verdict exprimé par le référendum socialiste qui, donc, préfigure le résultat du prochain référendum par lequel les français seront appelés à se prononcer sur ce projet de constitution européenne.
Mais, approuvant ce projet, ils voteront du même coup, en faveur d'un système économique ultra-libéral ayant clairement pour objet de mettre le monde du travail en état d'assujetissement par rapport au capital. La voie sera ainsi, plus que jamais, ouverte à la remise en cause des droits que les organisations syndicales ont conquis dans le domaine de la législation du travail et dans celui de la protection sociale, avec comme inéluctables conséquences de douloureux reculs dans les domaines précités.
Cette remise en cause des droits acquis ne relève pas de la spéculation intellectuelle. Les orientations libérales de l'actuel gouvernement le portant à céder aux exigences patronales, le monde du travail a déjà subi pareils reculs. Je me bornerai à citer les plus récents qui prennent souvent la forme de délocalisations. Des entreprises parfaitement rentables, nullement en péril, ont été délocalisées à seule fin de dilater les profits des actionnaires par une surexploitation de la main d'oeuvre des pays dans lesquels elles ont été réimplantées.
Il va de soi, qu'avec l'adoption de la constitution européenne, les opérations de ce type et d'autres opérations de nature différente mais non moins dommageables ne pourront que se multiplier.
La nocivité de la constitution européenne étant, au fil du temps, de plus en plus démontrée et cruellement ressentie, l'opinion publique évoluera. Je ne pense pas, qu'à juste titre, elle contestera la nécessité d'une construction européenne. Par contre, elle exigera une révision de la constitution existante afin de bâtir une Europe plus sociale. La donne politique dans les rangs du parti socialiste comme ailleurs, en sera plus ou moins profondément modifiée.
Il est difficile de savoir si ce scénario pourrait prendre effet avant 2007, date de la prochaine élection présidentielle. Si tel était le cas, la position de François Hollande, aujourd'hui plébiscité, serait beaucoup moins confortable, de même que celle de la droite actuellement en place. Le paysage politique serait profondément modifié sans que l'on puisse cerner de façon très précise la configuration qu'il pourrait prendre à une date aussi rapprochée.
La gauche sera-t-elle capable de s'unir et se recomposer sur la base d'une récusation de la constitution européenne, capable aussi d'entraîner d'autres pays vers l'exigence d'une abrogation de la règle de l'unanimité et de la révision de la constitution européenne dans un sens plus social? La droite sera-t-elle capable de parer le coup, de rester au pouvoir en acceptant quelques concessions?
Tout dépendra, comme toujours, de la mobilisation que chaque partie pourra construire, du rapport de force qui s'établira entre les parties concernées.

J'ai conscience, dans cette exposé, d'avoir engagé une démarche prophétique que je revendique pour deux raisons:
-D'une part, j'ai toujours eu pour souci de ne pas verser dans le rêve mais de raison garder.
-D'autre part, pourquoi refuserait-on à un observateur de la vie politique le droit d'essayer de prévoir les contours de l'avenir alors que l'on s'accorde à penser que la politique est l'art de prévoir?
Cependant, je n'irai pas plus loin dans cette voie là et ne répondrai pas aux questions que je viens d'énoncer.
Le référendum interne au part socialiste tout comme le prochain référendum sur le projet de constitution européenne mettent en jeu l'antique duel entre capital et travail. Mais je ne prendrai pas le risque d'en annoncer l'issue tout en étant convaincu que, dans quelques années, au delà des deux referendums précités, ce duel interviendra dans des conditions moins favorables pour le capital et plus favorables pour le monde du travail.
C'est aux hommes, à leur action , qu'il appartient de faire l'histoire qui , à mes yeux, va toujours dans le sens du progrès même si cette marche s'accompagne parfois de reculs temporaires plus ou moins durables.
Pour l'heure, il m'a paru important de dénoncer le sensationnalisme qui a entouré cette victoire du oui au referendum interne au parti socialisme et de montrer que cette victoire pourrait bien, en définitive, tout comme la probable victoire du oui au prochain référendum sur le projet constitutionnel, s'avérer plus fragile qu'éclatante.
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